Sans Patrie

Difficiles alternatives à la rétention pour les familles sans papiers

Lundi, 18 Août 2014 14:29

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Considérée comme plus respectueuse de la dignité humaine, l’assignation à résidence des familles en instance d’expulsion peut affecter certains de leurs droits.

 

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Centre de rétention administrative de Toulouse. Ce mode d’accueil offre paradoxalement plus de garanties que l’assignation à domicile (THIERRY BORDAS/LA DEPECHE DU MIDI)

 

L’intervention récente de la police sur le lieu de résidence d’une famille arménienne a choqué les associations et soulevé de nombreuses questions.

 

Pour les associations qui défendent les droits des étrangers, il s’agit d’un acquis. Depuis une circulaire ministérielle publiée le 6 juillet 2012, l’assignation à résidence a été privilégiée lorsque les familles avec enfants mineurs sont sous le coup d’une expulsion. Une mesure qui ne cesse de prendre de l’importance. Elle a été prise pour 248 familles en 2011, 866 en 2012, et 1 595 en 2013. Avec pour objectif d’éviter aux enfants de vivre de traumatisantes conditions d’enfermement dans des centres de rétention administrative (CRA).


Une mesure paradoxale

 

Pourtant, et c’est un paradoxe, l’assignation à résidence offre moins de garanties que le placement en rétention. Ce dernier, en tant que mesure de privation de liberté, est strictement encadré par la loi. Dans les CRA, des associations sont mandatées pour accompagner les migrants. Des permanences d’avocats sont organisées.L’administration doit en outre veiller à assurer le minimum vital aux personnes retenues. « Dans le cas d’une assignation à résidence, rien de tout cela n’est prévu. En fait, les gens doivent se débrouiller seuls comme s’ils étaient en liberté », commente Christophe Pouly, avocat engagé au Gisti.

Par ailleurs, les familles contestent très peu les décisions d’assignation, alors qu’elles ont en principe 48 heures pour le faire. Et si elles déposent un recours, les chances d’annulation de la décision sont moindres. « Le juge peut examiner la légalité de la mesure en elle-même, mais il ne peut pas l’étudier sur la base de ses conditions d’exécution, contrairement aux cas de placements en rétention », poursuit Christophe Pouly.


Des associations dénoncent un traitement « humainement intolérable »

 

Or, certaines situations récentes ont choqué les associations. C’est ainsi que dans l’Ain, une dizaine d’entre elles se sont regroupées pour dénoncer le traitement « humainement intolérable et juridiquement très discutable » de déboutés du droit d’asile, assignés à résidence dans un hôtel de Montluel.

« Jusqu’à fin juin, ces familles assignées à résidence étaient hébergées et nourries, comme dans un centre de rétention. Depuis un mois, sur ordre préfectoral, sans doute pour des raisons économiques, elles ne sont plus nourries ! », raconte Louis Lingot, engagé à la Pastorale des migrants et au CCFD-Terre Solidaire.

Dans l’hôtel, les familles ont interdiction de se préparer à manger et beaucoup n’ont pas les moyens de se nourrir à proximité. Dans une lettre datée du 9 août, les associations demandent expressément au préfet, Laurent Touvet, de leur assurer le minimum vital.


L’intervention des forces de l’ordre pointée du doigt

 

Ce n’est pas le seul point qui tracasse les organisations de solidarité. Lorsque l’expulsion des familles est ordonnée, ces familles doivent en principe se rendre par elles-mêmes à l’aéroport. « Comme elles n’ont pas d’argent, ne touchant plus depuis longtemps l’allocation temporaire d’attente, ce n’est pas difficile de deviner qui va venir les chercher », s’inquiète Louis Lingot.

L’intervention des forces de l’ordre sur le lieu de résidence des sans-papiers est également particulièrement sensible, comme l’a montré la récente interpellation de la famille Babayan dans un centre d’accueil des demandeurs d’asile, mardi 5 août 2014. Filmée par de nombreux témoins, la scène avait été diffusée sur Internet, soulevant la colère d’organisations de solidarité et du PS. Après avoir fracturé la porte d’entrée, les policiers ont emmené les Babayan au centre de rétention de Metz, où ils sont restés plus de vingt heures, avant d’être expulsés vers l’Arménie.


Vers une simplification des interpellations à domicile

 

En principe, la police administrative n’a pas le droit de pénétrer par la force chez les sans-papiers en instance d’expulsion. Devant une porte fermée, les forces de l’ordre doivent normalement attendre que les personnes sortent de chez elles, à moins que les fonctionnaires ne constatent une infraction. Saisi dans l’affaire Babayan, le tribunal administratif de Nancy ne s’est pas exprimé sur ce point, mardi dernier.

La juridiction a en revanche annulé le placement en rétention de la famille. Selon le juge, le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis « une erreur de droit » en ordonnant le placement en rétention administrative sans examiner la « situation spécifique » des enfants du jeune couple, âgés de 7 ans et 7 mois. La demande de retour en France leur a toutefois été refusée.

Or, le projet de loi sur l’immigration présenté en juillet 2014 prévoit de faciliter l’interpellation au domicile des personnes assignées à résidence sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Les policiers pourront désormais intervenir, à condition d’avoir le feu vert du juge des libertés. Un rapport au Sénat datant du 23 juillet 2014 recommande quant à lui de mettre en place un dispositif d’assistance juridique pour les personnes assignées à résidence.


Jean-Baptiste François





20/08/2014
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