Sans Patrie

Une expulsion ignoble

Elle s'appelle Queen . C'est une jeune femme nigériane âgée de 24 ans. 
 
Après 4 ans de présence en France, elle s'est fait arrêter à Tours sans ticket dans le bus. 
Quand on est sans-papiers, un défaut de titre de transport ne s'arrête pas à une simple amende et peut engendrer des conséquences dramatiques. Queen va rapidement le comprendre à ses dépens...
Elle se retrouve le 17 novembre enfermée au CRA de Rennes. Elle y retrouve une femme ivoirienne et une femme tchétchène.  Dans cet univers carcéral, elles vont se soutenir pour affronter les angoisses générées par cette antichambre de l'expulsion. 
 
Queen est enceinte de quelques semaines. Après 2 jours d'enfermement, elle fait une fausse-couche. Elle est hospitalisée quelques heures, puis ramenée au CRA. Le médecin a estimé que "son état n'est pas incompatible avec la rétention" (sic). Pourtant Queen ne va pas bien et présente quelques troubles. La Cimade demande à ce qu'elle voit un psy, mais elle n'aura droit qu'à un entretien avec l'infirmière du centre. 
 
Elle reçoit le soutien régulier de F., une visiteuse,  qui lui apporte un peu de réconfort et de nourriture car elle et ses co-retenues ne peuvent plus ingérer les repas du centre. 
 
Au 25e jour de rétention, alors qu'elle doit être présentée pour la seconde fois devant le JLD, Queen est réveillée brutalement à 4h pour être conduite à l'aéroport. Face à ses cris en  montant dans l'avion, l'escort décide de la ramener à Rennes pour la présenter au juge. Malgré le désespoir de la jeune femme, nouvelle prolongation de 20 jours. 
De retour au CRA, elle assiste impuissante en pleine nuit à l'expulsion de la femme tchétchène au 45e jour de sa rétention...3 jours plus tard, la femme ivoirienne est libérée après 45 jours d'enfermement. 
Queen se retrouve alors seule face à ses angoisses.
 
Samedi 20 décembre, récit de F. :
 
"Elle ne dormait plus depuis des nuits...elle avait tellement peur de réentendre ces bruits de clés en pleine nuit.... et c'est arrivé ce matin, vers 4h, sans qu'elle n'ait été invitée à se préparer à minimum... elle a été entravée, pieds et mains ,comme une bête dangereuse et n'a pu s'opposer à son départ...
Elle se retrouve au Nigéria, pays dangereux ,seule, sans argent, ne sachant pas où est sa famille et elle pleure, elle pleure tellement fort qu'il est difficile pour mon oreille"scolaire" de la comprendre avec son anglais africain..
Je crie mon désaccord, je hurle ma colère...je pleure ma détresse d'impuissance... comment peut-on , en notre nom à tous, avec nos impôts, infliger de tels traitements à un être humain, et qui plus est une femme qui est en danger à son retour  au Nigéria compte tenu de son histoire antérieure."
 
Comme de nombreuses femmes nigérianes, Queen fuyait un réseau d'esclavagisme moderne qui l'obligeait à se prostituer pour rembourser le passeur. Malgré ses craintes de représailles, elle avait fini par se résoudre à dénoncer ses proxénètes en espérant obtenir la protection de la France...Elle se retrouve aujourd'hui sans un sou au Nigéria, à la merci de ceux qu'elle tentait de fuir. 


21/12/2014
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