Sans Patrie

Les bâches de la honte

Depuis une dizaine d’années, au sein de l’Union Européenne et à ses frontières, le nombre de centres de détention pour migrants ne cesse d’augmenter. L’enfermement des étrangers considérés comme « indésirables » est devenu un outil privilégié de la « gestion » de l’immigration et de l’asile. 

En France, La tendance générale est la même que sous le gouvernement précédent, c'est une politique d’enfermement systématique.

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Manif régionale devant le CRA de Rennes le 22 mars 2014

 


Il y a 23 CRA en France. Celui de Rennes a refermé ses grilles en 2007. Ce CRA a le triste privilège de pouvoir enfermer des familles avec enfants. Pour cette pratique, La France a été condamnée en 2012 par la CEDH, mais l'enfermement des mineurs reste légal dans certaines conditions, notamment lorsque les familles ne respectent pas l'assignation à résidence, devenue la norme pour les déboutés du droit d'asile.

Dans une pseudo-circulaire publiée le 11 mars dernier, Valls encourage les préfets à banaliser cette pratique et maintient la pression sur ses troupes pour intensifier les expulsions.


L'éclatement des familles se généralise également, notamment au CRA de Rennes. 6 pères de famille y ont été enfermés ces derniers jours : 2 y sont toujours, 2 ont été libérés et 2 ont été expulsés : Un père de famille roumain et un père de famille serbe embarqué vendredi 21 mars par surprise en pleine nuit, qui laisse à Rennes une femme et 4 enfants.

Comme ce père de famille, il y a actuellement une trentaine de jeunes hommes au CRA de Rennes qui vivent avec l'angoisse d'un réveil brutal par des hommes armés pour un retour forcé vers le pays qu'ils ont fui.

 

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Il y a encore quelques jours, nous organisions au CRA de Rennes des "parloirs sauvages" qui permettaient de s'entretenir collectivement avec les retenus derrière les grilles du CRA. Cette pratique était tolérée et permettait de recueillir les témoignages des retenus et quelques rares images, qui montraient que derrière les chiffres se cachent des hommes, des femmes et des enfants privés de liberté sur simple décision administrative.

 


Des bâches ont été posées cette semaine sur les grilles du CRA pour occulter cette réalité qu'on ne veut pas montrer. Les médias sont toujours interdits dans les CRA. L'enfermement arbitraire et les violations des droits doivent rester cachés. Tout est fait pour que ces lieux, et les personnes qui y sont enfermées, soient tenus à l’écart de tout regard extérieur qui pourrait dénoncer ces dispositifs.

 

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Témoignage d'un militant qui a rendu visite à un retenu :

 

Je m'étonne avec ironie auprès du flic: "c'est pour protéger du vent?" "non,répond-il avec sérieux, ce sont des occultants."
Cachez donc ces prisonniers que l'on ne saurait voir!
L'administration carcérale "occulte" ces captifs, otages de la gouvernance bien-pensante et instruments de tristes calculs politiciens. Ils ont commis comme seul délit, ceux-là qu'on prive du droit fondamental d'être libre quand on ne nuit pas, d'être en infraction administrative quant à leur droit au séjour.
Derrière les bâches seront cachés alors hommes et femmes, jeunes ou vieux malades peut-être, désespérés c'est sûr. Tous désespérés !
Cette honte de la République il est en effet préférable qu'elle soit invisible.Ces bâches, peine supplémentaire ,linceul posé quand le corps vit encore, ajoutent l'horrible à l'injuste.
Combien de temps résisteront-elles à la colère légitime qu'elles provoquent ?

A l’abri des regards, des hommes, des femmes, des enfants sont enfermés pour délit d’« étrangeté ». Qu'ils soient demandeurs d'asile ou migrants économiques, leur quête d’une vie meilleure en fait des délinquants, des indésirables qu’il faut expulser.
L’opacité qui entoure ces lieux d’enfermement et les difficultés pour le monde extérieur d’accéder aux informations concernant ces dispositifs, entravent les contacts avec les retenus, la mise en œuvre d’actions de soutien et toute initiative de résistance.
En France, la mobilisation face à ces pratiques reste faible, alors que se dresse l'Europe Forteresse qui érige des murs pour protéger, séparer, enfermer et expulser.


A l'initiative de la Coordination Bretagne/Pays de Loire de soutien aux personnes immigrées, une manifestation a rassemblé samedi 22 mars 250 personnes au centre de rétention de Rennes pour demander a fermeture des centres de rétention et la régularisation des personnes sans-papiers.



23/03/2014
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