Sans Patrie

Concours de la Résistance : la photo qui dérange

A l'occasion de la sortie du rapport annuel sur la rétention, retour sur cette photo prise au CRA de Rennes en 2008, qui a suscité une polémique en 2012. 
lundi 19 mars 2012
 
 

François Lepage photographe professionnel avait offert une oeuvre prise au centre de rétention de Rennes. Elle a fini par être retirée.

La polémique

En avril 2011, François Lepage était sollicité par le comité d'organisation du Concours de la Résistance formé de 9 associations issues de la Résistance et de la Déportation pour offrir une oeuvre autour du thème de la résistance, de la déportation, de la paix ou des droits de l'homme.

Le photographe professionnel rennais offre alors une photo réalisée en 2008, extraite d'une exposition intitulée Exils.

Elle représente une mère de famille guinéenne portant dans ses bras son enfant derrière les grilles du centre de rétention administrative de Rennes Saint-Jacques, photo prise lors d'un parloir sauvage. Cette photo fait alors partie de la quinzaine d'autres oeuvres, peintures, sculptures, dessins, distribuées chaque année aux établissements scolaires lauréats du concours national de la Résistance et de la Déportation créé en 1961.

« J'avais touché juste »

Mais lors de la remise des prix, le 8 juin, à Liffré, la photo n'est pas du goût de tous. Plusieurs officiels y voyant un parallèle inacceptable entre camps de concentration et camps de rétention.

Le 28 février dernier, le comité d'organisation est reçu en présence du préfet, de l'inspecteur d'académie, du colonel de gendarmerie, du directeur de la Police aux frontières et du directeur de l'office national des anciens combattants. Objectif de la réunion : le retrait de la photo jugée « inacceptable dans les établissements scolaires ».

Proposition est faite au photographe de l'échanger avec une autre, « j'ai refusé, commente François Lepage, c'était la preuve que j'avais touché juste en montrant des choses que l'on n'a pas envie de voir. Ce qui gêne c'est que la photo a été prise en France, à Rennes. »

À l'issue de la réunion en préfecture, et huit mois après la remise des prix, le comité qui organise le concours sous l'autorité du préfet, décide de retirer la photo. L'Association des anciens combattants et amis de la Résistance et l'association départementale des déportés et internés, résistants et patriotes qui souhaitaient la conserver, se retrouvent en minorité. « C'est dommage, confie Renée Thouanel, présidente de l'ADIRP. Il y a eu incompréhension, nous le regrettons. »

Aujourd'hui, le Mrap et RESF (Réseau éducation sans frontière) dénoncent la censure, « qu'est-ce qui dérange les autorités administratives, la femme et son bébé derrière les barreaux ou son interprétation potentielle ? Le mot a été lâché : amalgame. C'est sous-estimer l'intelligence des élèves, leur capacité à interroger et à s'interroger, autant que mésestimer le corps enseignant qui les accompagne dans leur démarche de réflexion. »

Joint hier, le service communication de la préfecture a fait savoir qu'il n'était pas possible d'avoir une réaction officielle de la préfecture ce jour.

 

Agnès LE MORVAN


28/06/2017
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WELD El 15 DEVANT LA COMEX : UNE PARODIE DE JUSTICE

 

Ce vendredi 10 février, Ala Edine Yacoubi, dont le nom d'artiste est Weld El 15, comparaissait devant la COMEX. Kesaco ? Même les avocats les plus aguerris en droit des étrangers ne connaissait pas cette "commission d'expulsion". "Expulsion" ? Nous qui croyions que dans le jargon préfectoral ce terme était banni au profit du doux euphémisme "d'éloignement" ? Oui, mais là Messieurs-dames, on ne rigole plus, il ne s'agit pas d'une vulgaire reconduite à la frontière, il en va de la sûreté de l'Etat !


Pourquoi Weld El 15 est-il convoqué devant cette commission ?

 



Photo François Lepage.jpg
Weld el 15 - photo François Lepage

La juridiction administrative ayant déjà annulé deux fois l'obligation de quitter le territoire français, le préfet doit trouver de nouveaux arguments. C'est son avocat qui résume le mieux la situation : “Le préfet invente l’histoire d’un pseudo-terroriste pour s’asseoir sur une décision de justice”. En effet c'est bien pratique l'Etat d'urgence pour justifier l'expulsion d'un rappeur tunisien devenu indésirable, après avoir été invité à venir en France avec un visa compétence et talents !

 

Face à Weld El 15, 3 magistrats et 5 représentants de la préfecture. L'ordre en marche. Lui était entouré de ses soutiens et de sa petite fille qui n'a pas encore un mois. Sage petit être qui n'a pas réagi quand le représentant de la préfecture cherchait des indices concordants prouvant l’intérêt de son père pour les thèses de Daesh.


Un rappel du parcours de l'artiste a été présenté, depuis les débuts de sa notoriété en passant par la Révolution de jasmin, dont il a été l'un des porte-parole, son engagement pour inciter la jeunesse à aller voter, sa sélection pour le prix Sakharov, son arrestation sur scène en plein concert.... Les échanges ont été édifiants.


D'un côté une administration bornée et froide, qui trouve visiblement un bouc émissaire qui permet de mettre en branle une procédure inadaptée pour montrer qu'en Etat d'urgence, on agit contre les potentiels terroristes ! Et puis, un artiste qui titre à bout portant en comparant les policiers et les chiens (« Boulicia Kleb » visionnée 11 millions de fois), c'est inconvenant non ? Bien sûr, c’était en Tunisie, mais qui dit que cette chanson ne pourrait pas être un jour reprise en français , dérangeant, dangereux, les mots comme des armes blanches devraient rester dans leurs fourreaux. La méfiance est extrême ; quid des nombreux comptes Facebook créés par des fans (dont deux seulement sont effectivement les siens) avec des photos de son ancien ami d'enfance devenu djihadiste ? Est-on seulement responsable du cheminement de ses proches et de leur radicalisation ? Quid du portrait du Che pourtant peut susceptible de compatibilité avec “l'éthique “ daeshoise ? Foin de tout cela, encore un terroriste celui-là, un empêcheur de s'abêtir en rond, à verser au dossier comme pièce à conviction ! Quid du téléchargement de dix-huit vidéos, certes plus ou moins glauques dont certaines présentaient l'agonie d'un martyr, une séquence avant décapitation ou des tutoriels pour accéder aux vidéos de propagande de Daesh en libre accès sur Youtube ? Elles ont permis au juge de lui demander s'il était « prudent » de se documenter sur un tel sujet quand on est dans sa situation : « Vous ne vous êtes pas dit que ça pouvait être mal interprété ? » Mais mon brave monsieur, quand on veut écrire des textes, des chansons, des articles, on est obligé de se renseigner, de se documenter, de poser des questions en plus de s'en poser, même si ce n'est ni agréable ni prudent. Ironie du sort, le Conseil d'Etat rendait au même moment une décision censurant le délit de consultation de sites terrorristes estimant qu'on ne peut punir "une simple démarche intellectuelle". D'ailleurs, est-il bien raisonnable de faire d'interminables procès absurdes à ce jeune rappeur alors que courent de vrais coupables à l’extérieur et que l'on s’affranchit des responsabilités et des réflexions face aux mécanismes qui poussent à la radicalisation ?


De l'autre côté, une jeune homme indigné mais digne qui reconnaît volontiers qu'il n'est pas un saint mais un rappeur qui se joue des codes et parfois dérange ; qu'il est justement en France, invitée par celle-ci, pour développer sa musique dans un pays où l'on respecte les droits de l'homme. Les doigts de l'homme, pourrait-on dire, car le juge l’interpelle au sujet de photos retrouvées dans la mémoire de téléphones portables lors d'une perquisition administrative. Il y est question d'index vengeur brandi vers le ciel comme le font les Daeshiens. Un geste, répond le musicien, qui signifie number one pour les rappeurs, ou comme l'affirme avec justesse l'avocat qui a fait quelques recherches, une pratique de certains musulmans d'avant le rap, Daesh et le déluge en se référant à une tradition séculaire. Il est aussi question de doigts d'honneur, face à un cimetière, une église ou un palais de justice. Le juge demande des explications au nom du respect de la religion, faisant même référence au prêtre catholique exécuté par un terroriste... Quid de la séparation de l'église et de l’État dans notre beau pays ? Ala est grand, qui estime qu'il n'a pas à se justifier, qu'il est jeune, que ce n'est ni une bêtise ni une provocation, qu'il est un rappeur et que le doigt d'honneur lui convient mieux qu'une fleur à la main ; est-ce qu'en tant qu'étranger il aurait donc moins de droits que les Français ? Nous sommes plusieurs à penser à l'artiste Wei Wei qui peut sans problèmes poster des doigts d'honneur sur le net tout en vendant à prix d'or ses œuvres. Tous les ego-trips ne se valent pas, visiblement !


On ose à peine évoquer la mention d'une phrase du Coran sur le compte Facebook, si naïve soit-elle, qui insupporte le juge. Rien à expliquer, peut-être peu signifiant mais culturel, Monsieur le Juge, tout comme le “Bon ramadan” un peu plus loin. Est-ce qu'un “Joyeux Noël” et une épigraphe de Nietzsche aurait été mieux vus ? Et face à la salle qui rigole en douce le Juge menace : « Cette salle n'est pas un théâtre et les prochains qui glousseront sortiront ! » A quand l’interculturalité au menu des études de magistrat ? L'humour, on n'y pense même pas.


Dans son sommeil, la petite fille entend t-elle son papa artiste reconnaître qu'il aime juste bien vivre, boire, fumer, parler de projet, d'avenir, sent-elle l'angoisse de sa maman qui la berce doucement, entend-telle le représentant de la préfecture se déclarer sceptique, dire que tout cela ne le convainc pas, parler rondement de gravité effective de menace pour le territoire, dire qu'il ne comprend pas en quoi les vidéos pourraient avoir un lien avec un travail artistique ?

 

Nous avons assisté à une parodie de justice, dans un vrai tribunal, avec de vrais juges qui ne rendront qu'un avis consultatif sur lequel s’assiéra une fois de plus la préfecture pour ne pas se désavouer après deux années d'acharnement. Ce tribunal n'était qu'un proscenium où se jouent la dignité de notre justice, l'humanité de nos valeurs à travers le procès d'un artiste qui nous permet de voir que les temps sombres ne sont ni d'un lieu ni d'une époque mais qu'ils nous menacent autant que le terrorisme.


11/02/2017
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Arrestation d'un jeune Congolais au lycée Jaurès de Rennes !

Rennes , le 31 janvier 2017.

 

Jacques* a été contraint de quitter son pays en avril 2015. Après un long et dangereux périple de 6 mois à travers l'Europe, il est arrivé en France le 16 octobre 2015.


Âgé de 17 ans, il est pris en charge par son oncle résidant à Rennes, qui devient son tuteur légal par une décision rendue le 5 janvier 2016. Jacques débute un CAP d'électricien au lycée JJaurès de Rennes.


Quelques mois avant sa majorité, Jacques engage une demande d'asile. Dès la première présentation à la préfecture le 12 septembre 2016, il donne ses empreintes et se voit notifier une réadmission vers la Hongrie et la Belgique. Il a en effet été arrêté en Hongrie durant son périple migratoire, mais il n'a jamais mis les pieds en Belgique. La préfecture lui annonce alors qu'il a obtenu un visa pour la Belgique pour quitter la RDC et que son âge déclaré sur ce document est de 36 ans !


Une perquisition à domicile


Le 24 novembre 2016, alors que Jacques se prépare à partir au lycée, 3 agents de la PAF débarquent au domicile de son oncle. Sa chambre est fouillée pour trouver son passeport, qui lui est confisqué pour expertise. Une convocation en vue d'une audition libre lui est remise pour qu'il se présente le mardi 27 décembre 2016 à la PAF. Les faits qui lui son reprochés sont : escroquerie au jugement, usage de faux documents administratif et obtention indue de document administratif entre novembre 2015 et septembre 2016 à Rennes.


Jacques ne comprend pas...Quand il est arrivé en France, il n'avait aucun document d'état civil, ses documents de voyage ayant été conservés par le passeur. C'est son oncle qui a fait les démarche pour lui obtenir un acte de naissance et un passeport. Ce dernier se rend seul à la convocation pour répondre aux questions de la PAF.


Pour des raisons professionnels, l'oncle est contraint de partir vivre à Paris. Jacques, devenu majeur en novembre 2016, se retrouve à la rue. Il est accueilli à l'internat du lycée JJaurès.
La préfecture l'autorise finalement à faire sa demande d'asile en procédure accélérée le 2 janvier 2017. Son dossier est adressé à l'OFPRA le 23 janvier.


Une arrestation dans son lycée


Le 25 janvier 2017, 3 agents de la PAF font intrusion à 7h30 au lycée JJaurès. Jacques est arrêté et conduit à la PAF. Il est interrogé puis accompagné à l'hôpital Sud de Rennes pour y subir des tests osseux afin de confirmer qu'il est âgé de 36 ans ! Le radiologue refuse de déterminer l'âge du jeune congolais, attestant qu'il était majeur, mais ne pouvant déclarer avec précision son âge.


Jacques est ramené à la PAF et placé en GAV. Il en ressort à 17h avec avec une convocation en correctionnel le 3 octobre 2017 devant leTGI de Rennes. Il lui est reproché d'avoir fourni un acte de naissance falsifié qui lui a permis la délivrance indue d'une demande d'asile et d'avoir trompé le service des tutelles des mineurs.


Nous dénonçons fermement cette intrusion policière au lycée JJaurès et nous demandons l'abandon des poursuites judiciaires envers ce jeune demandeur d'asile congolais.


MRAP 35/RESF 35


*prénom modifié pour préserver l'anonymat de ce jeune congolais très fragilisé par son parcours migratoire et ces derniers événements.


01/02/2017
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2 jeunes enfants enfermés au CRA de Rennes depuis 4 jours !

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Monsieur et Madame Baliu ont fui le Kosovo en 2009 pour demander l'asile en France. Leurs 2 enfants sont nés à Annecy, Ardiola en 2011 et Erdi en 2015.

Leur demande d'asile a été rejetée et la famille Baliu s'est retrouvé assignée à résidence dans un hôtel à Annecy. Quand la police s'est présentée pour les arrêter, seul le père de famille était présent. Il a été expulsé en décembre 2015. La famille démembrée a trouvé refuge chez une soeur à Port Brillet. Cette petite commune de Mayenne s'est mobilisée pour soutenir Madame Baliu qui s'est rapidement investie dans la vie locale.

Pétition de soutien pour Madame B et ses enfants :

https://www.change.org/p/monsieur-le-pr%C3%A9fet-port-brillet-une-m%C3%A8re-menac%C3%A9e-d-expulsion

Après 6 années de présence en France, Madame Baliu a déposé une demande de régularisation, mais la préfecture de Mayenne ne lui a jamais répondu car elle était sous le coup d'une OQTF émise par la préfecture de Haute-Savoie.

Vendredi 5 août, la police se présente à leur domicile où ils étaient à nouveau assignés à résidence. La mère de famille et les 2 enfants sont directement embarqués vers l'aéroport.

Madame Baliu refusant de monter dans l'avion, elle est conduite avec ses 2 enfants au CRA de Rennes. Depuis 4 jours, une petite fille de 5 ans et son petit frère de 18 mois sont donc privés de liberté dans un univers carcéral pour de simples raisons administratives, car c'est là leur seul "crime" ! Rien ne peut justifier humainement de placer des enfants dans une prison pour étrangers, de les soustraire à leur milieu habituel en les soumettant à des formes multiples de violence.

Du haut de ses 5 ans, la petite fille s'interroge. "Ils veulent nous renvoyer où ? C'est ici chez nous, maman..."

Malgré les lourdes condamnations de la France par la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme), le 12 juillet dernier, dans 5 affaires concernant l'enfermement de mineurs, le juge administratif a confirmé hier le placement en rétention de la mère et ses 2 enfants !

La famille sera présentée mercredi 10 août devant le JLD à 14h30

(6e étage Cité judiciaire de Rennes)



RESF 35 demande la libération immédiate de la famille Baliu. 


09/08/2016
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Une libération suite à une mobilisation exemplaire

Après l'audience.jpg
Ousmane entouré de ses soutiens à la sortie du TA
Rappel des faits  
 
Ousmane C. est arrivé en France à l'âge de 16 ans. Il a été pris en charge par l' ASE à Angers. Il est encore sous contrat jeune majeur jusqu'au 1er septembre. 
Il est scolarisé en 2e année de CAP maintenance au lycée professionnel St Serge à Angers. 
Il est sous OQTF depuis le 6/07/15 suite à une demande de titre de séjour, confirmée par le TA en octobre 2015. 
 
Ousmane est assigné à résidence depuis le 8/02 avec obligation de pointage tous les jours au commissariat d'Angers. C'est en allant signer jeudi 31 mars, qu'il a été arrêté puis envoyé au CRA de Rennes. Dès le lendemain matin, un vol était réservé pour Conakry. Il a refusé d'embarquer. 
Bien-sur la pref 49 conteste son âge (19 ans) et déclare que son acte de naissance est faux. Par contre son passeport, établi à partir de ce même acte, n'est pas remis en cause par les autorités guinéennes...
 
Une mobilisation exemplaire
 
Ousmane était un élève sans histoire qui n'avait jamais évoqué ses difficultés avec ses camarades de classe. Ses copains comme les enseignants ont été très choqués en apprenant la nouvelle de son arrestation. 
Malgré les vacances scolaires, Ousmane a reçu tout le wek-end des visites au parloir du CRA de Rennes : profs, éducatrice, compatriotes, militants RESF et LDH se sont succédé pour soutenir Ousmane qui vivait très mal l'enfermement. 
 

 
Ce matin, il y avait une trentaine de personnes à avoir fait le déplacement d'Angers pour accompagner Ousmane devant le TA pour contester son placement en rétention.
Ce fut une audience riche en émotions, d'où Ousmane est ressorti libre ! 
 
La mobilisation se poursuit jusqu'à la régularisation de Ousmane.

04/04/2016
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