Sans Patrie

------------------ EDITORIAL-----------------------

Il n'est pas trop tard


Il n’est pas encore trop tard.

 

Nous ne nous résignons pas.

 

Et si nous n’avions pas encore failli et qu’en tant que membres actifs de la société civile, nous les rêveurs, les sentinelles, les silencieux, les insoumis nous étions en capacité de faire bouger les lignes en refusant ce que nos yeux ouverts perçoivent, en ouvrant grand nos bouches et en  alimentant de notre rage et de nos forces vives cette insurrection contre l’inacceptable qui vient trop lentement ?

 

D’Athènes à Calais, l’externalisation aberrante des frontières continue et échoue ; des espaces entiers oscillent entre jungle urbaine et camp d'enfermement. Des milliers, des dizaines de milliers  de réfugiés piétinent aux lisières du continent. On nous fait croire que l’Europe est en danger, qu’elle est menacée par un déferlement de migrants qui la fragilise, qu’elle se doit d’être non seulement une forteresse inexpugnable mais  aussi un repoussoir violent et même une prison  de haute sécurité face à l’insécurité. 

 

De surenchère médiatique en surenchères sécuritaire, on nous abreuve d’images qui préparent l’acceptation du confinement et du rejet ou du maintien définitif hors les murs de tous les indésirables étrangers en demandant à la Turquie de jouer les gardes-chiourmes !

 

Motus et bouche cousue !

 

Le temps des lâches est aussi celui des assassins. Notre silence et notre attentisme font de nous des complices de cette politique qui pousse les désespérés à  risquer leurs vies pour partir et à se coudre les lèvres pour se faire entendre quand ils sont arrivés. Nous avons déjà trop toléré de nos Etats qui nous entrainent dans le naufrage qu’ils ont eux-mêmes contribué à provoquer, cela ne peut continuer. N’acceptons plus que meurent à nos frontières des enfants, des femmes et des hommes dont le seul crime est d’être des humains encore debout  n’aspirant qu’à une vie meilleure et à la dignité, car en le tolérant, c’est nous qui abdiquons notre humanité.

 

Désormais, le blog Sans Patrie consacrera une rubrique aux actions concrètes qui peuvent être menées, ici et ailleurs et auxquelles chacun de nous pourra participer.

 

Carole Bohanne et Nathalie M’Dela-Mounier

 

    Mars 2016

 



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Cris écrits de colère et paroles d'insoumission

 

 

Le blog Sans Patrie a sept ans, l'âge de raison, dit-on. On dit parfois n'importe quoi. Nous savons que trop de personnes continuent d'ignorer l'existence des Centres de Rétention Administrative - les CRA - sur notre territoire et encore plus ce qui se passe dans leurs enceintes. Pourtant, il y en a vingt-cinq à ce jour en France, notamment un en Bretagne. Notre région ne s'honore pas de celui de Saint-Jacques-de-la-Lande, inauguré le 1er août 2007. Disposant de soixante places, de la possibilité d'accueillir des enfants, il est coincé entre l'aéroport et le terrain des gens du voyage ; un lieu de transit avant l'expulsion, une dernière image honteuse de la France pour ceux qui en sont, « éloignés », c'est-à-dire chassés, expulsés.

 

Voici pour rappel, quelques articles de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, a été adoptée par la France, qui établit, entre autre, que le droit d'asile est un droit fondamental :

Article 13

1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

Article 14

1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

Article 15

1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

 

Au cours de ces années, le CRA de Saint Jacques de la Lande est devenu l'un des éléments du paysage local. Dernièrement, les grilles qui le cernent ont été habillées d'une toile dissimulant pudiquement les retenus, petits et grands, loin des yeux des promeneurs, des visiteurs ou de ceux qui leur manifestent sporadiquement  leur soutien en apportant désormais, escabeaux et échelles pour avoir un peu de visibilité, pour montrer aux  retenus isolés qu?ils ne sont pas seuls, hors la loi, hors du monde.

 Pendant qu?aux frontières de l?Europe, des humains sont de plus en plus nombreux à périr en tentant de rejoindre l'Europe forteresse, ceux qui réussissent à y entrer se perdent dans un labyrinthe de décisions, mesures et lois iniques avant de goûter aux subtilités de l'Europe carcérale qui détient,  retient, exclut. Le CRA est toujours l'un des outils d'une politique d'immigration dont les textes se multiplient au fur et à mesure que la peur et  le rejet des étranger-e-s montent. Les gouvernements passent mais la logique policière qui prévaut au CESEDA (Code de séjour des étranger et du droit d'Asile) s'affirme, se renforce, se légitime. Ainsi, une cinquième réforme en six ans continue de criminaliser l?Étranger et ne remet nullement en cause l'existence des lieux de son enfermement quand il ne dispose pas d?une autorisation de séjour en bonne et due forme ; même s?il est vulnérable, même si la raison voudrait qu'il soit protégé !

Les CRA ont encore de beaux jours devant eux.

Il est impossible de ne pas envisager demain, quand l'actualité sera devenue Histoire ; impossible de ne pas s'inquiéter de ce que conservera la mémoire des enfants de ces dits sans-papiers, - devenus adultes - qui auront connu l'humiliation, la peur, la traque, la rétention, l'expulsion et la séparation.

 Quand un État a associé dans le même ministère « immigration » et « identité nationale », nous sommes tous en danger ! Quand la gauche, qui s'était pourtant engagée « à rompre avec la politique du chiffre » mène la même politique d'exclusion des étrangers que la droite, nous sommes tous obligés de nous interroger sur le danger d'oublier et de voir sombrer sous nos yeux des valeurs qui nous sont chères, en danger de perdre notre dignité. Ce que nous découvrons chaque jour sur le traitement des étrangers dans notre beau pays, ne fait que confirmer nos doutes : délit de faciès, rafles, test ADN, test osseux, délation érigée en devoir, le gouvernement multiplie les occasions de déshonorer le pays des Droits de l'Homme sans provoquer de vague d'indignation massive.

Lutter pour que soient respectés les droits des étrangers, fussent-ils sans-papiers, c'est lutter pour ceux de tous les hommes.

 Parce que nous usons, voire abusons, de notre droit de circuler, nous mesurons avec acuité l'injustice faîte à ceux que l'on tente d'assigner à résidence dans leur pays d'origine.

Car de fait, notre gouvernement souhaite que ces étrangers illégaux n'arrivent plus à nos portes, - quelle que soit leur légitimité à partir et l'impossibilité de le faire légalement - ; qu'ils périssent ailleurs, loin des yeux et de nos frontières ; que nous restions sourds aux cris, aux murmures, aux silences rugissants des refoulés - morts et vivants -, impassibles face à ces murs dressés toujours plus haut, frontières matérielles et mentales érigées en garde-fous en feignant d'ignorer que les fous, c'est nous ! ; bref que nous nous con-gratulions entre Français de bon aloi, fiers de l'être et âpres à avoir plutôt qu'à savoir, pour nous rassurer face à ce que nous ne nous efforçons pas de pas voir ou comprendre comme on l'attend de nous.

Notre colère n'est pas neuve, elle a l'âge de notre prise de conscience,

Notre colère n'est pas sourde, elle éclate chaque fois qu'elle en a l'occasion.

Notre colère a ses raisons que la raison connaît, car derrière chaque chiffre, chaque situation douloureuse, nous pouvons mettre des noms.

Notre colère n'est ni noire, ni blanche, ni vaine, elle n'est même pas nôtre, elle s'ajoute à la rage de ceux qui ne veulent plus subir ou refusent de laisser faire sans dire. Car la mécanique de la machine à expulser peut encore se gripper, les grains de sable générés par la solidarité s'agglomérer sans logique apparente et bloquer ses rouages. Des liens improbables se sont tissés entre des gens qui n'auraient jamais dû se rencontrer.

 

Nous continuons de refuser à rentrer dans le rang des panurgistes pliant à cette politique xénophobe. Quand un pays qui pratique l'humanisme au bulldozer, légitime la chasse et l'enfermement des migrants et de leurs enfants, la désobéissance civile s'impose. Nous sommes fiers d'être ces " droits-delhommistes " et " sans-frontièristes ", conspués par un ex-écrivant-ministre, d'ordinaires Citoyennes du Monde déterminées à lutter qu'il soit plus juste avec les Innombrables, Désobéissants, Délinquants solidaires et autres Insoumis qui ne céderont jamais !

 

Face à la déraison, nous choisissons de continuer d'écrire sur tous les supports possibles, sur tous les tons, espérant que la connaissance de faits insupportables provoque des réactions durables ; espérant que les paroles que nous transmettons, relayons, donnons ou prenons puissent empêcher de penser en rond.

Dans ce blog, nous continuerons donc de donner un espace de paroles à tous ceux qui le souhaitent : histoire singulière de chaque Sans Patrie, Sans-papiers, Sans Voix, victime d'une immigration jetable et résistance - collective ou individuelle - de ceux déterminés à lutter contre l'inacceptable !

                                 

                               Les Marie-pas-si-Claires

                                      Janvier 2015

 

Pour une meilleure compréhension des chiffres et des humains qu'ils dissimulent, voir aussi :

Site RESF http://www.educationsansfrontieres.org/

Site du GISTI : http://www.gisti.org

Site du MRAP : http://www.mrap.fr

Site de la CIMADE : http://www.lacimade.org

Site UTUD : http://untoitundroit35.blogspot.fr

 

 



05/03/2016
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