CRA, etc... : Informations sur tous les lieux d'enfermement pour étrangers en Europe
Concours de la Résistance : la photo qui dérange
François Lepage photographe professionnel avait offert une oeuvre prise au centre de rétention de Rennes. Elle a fini par être retirée.
En avril 2011, François Lepage était sollicité par le comité d'organisation du Concours de la Résistance formé de 9 associations issues de la Résistance et de la Déportation pour offrir une oeuvre autour du thème de la résistance, de la déportation, de la paix ou des droits de l'homme.
Le photographe professionnel rennais offre alors une photo réalisée en 2008, extraite d'une exposition intitulée Exils.
Elle représente une mère de famille guinéenne portant dans ses bras son enfant derrière les grilles du centre de rétention administrative de Rennes Saint-Jacques, photo prise lors d'un parloir sauvage. Cette photo fait alors partie de la quinzaine d'autres oeuvres, peintures, sculptures, dessins, distribuées chaque année aux établissements scolaires lauréats du concours national de la Résistance et de la Déportation créé en 1961.
« J'avais touché juste »
Mais lors de la remise des prix, le 8 juin, à Liffré, la photo n'est pas du goût de tous. Plusieurs officiels y voyant un parallèle inacceptable entre camps de concentration et camps de rétention.
Le 28 février dernier, le comité d'organisation est reçu en présence du préfet, de l'inspecteur d'académie, du colonel de gendarmerie, du directeur de la Police aux frontières et du directeur de l'office national des anciens combattants. Objectif de la réunion : le retrait de la photo jugée « inacceptable dans les établissements scolaires ».
Proposition est faite au photographe de l'échanger avec une autre, « j'ai refusé, commente François Lepage, c'était la preuve que j'avais touché juste en montrant des choses que l'on n'a pas envie de voir. Ce qui gêne c'est que la photo a été prise en France, à Rennes. »
À l'issue de la réunion en préfecture, et huit mois après la remise des prix, le comité qui organise le concours sous l'autorité du préfet, décide de retirer la photo. L'Association des anciens combattants et amis de la Résistance et l'association départementale des déportés et internés, résistants et patriotes qui souhaitaient la conserver, se retrouvent en minorité. « C'est dommage, confie Renée Thouanel, présidente de l'ADIRP. Il y a eu incompréhension, nous le regrettons. »
Aujourd'hui, le Mrap et RESF (Réseau éducation sans frontière) dénoncent la censure, « qu'est-ce qui dérange les autorités administratives, la femme et son bébé derrière les barreaux ou son interprétation potentielle ? Le mot a été lâché : amalgame. C'est sous-estimer l'intelligence des élèves, leur capacité à interroger et à s'interroger, autant que mésestimer le corps enseignant qui les accompagne dans leur démarche de réflexion. »
Joint hier, le service communication de la préfecture a fait savoir qu'il n'était pas possible d'avoir une réaction officielle de la préfecture ce jour.
Agnès LE MORVAN
« Dans les coulisses de Roissy : l'enfermement des étrangers en aérogare »
« Dans les coulisses de Roissy : l'enfermement des étrangers en aérogare »
Sortie du rapport de visites des aérogares de Roissy-Charles de Gaulle
Communiqué, 1er mars 2016
L’Anafé publie aujourd’hui, dans une version web, un rapport sur les constats alarmants recensés lors d’une campagne de visites des aérogares de Roissy-Charles de Gaulle d’août à octobre 2015. « Dans les coulisses de Roissy : l'enfermement des étrangers en aérogare » épingle les conditions de maintien, les violations des droits fondamentaux des personnes maintenues et les dysfonctionnements dans les aérogares de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle.
Au-delà de l’état des lieux sur la situation matérielle précaire voire indigne dans ces lieux invisibles, l’Anafé dresse le constat d’une situation inquiétante : non-respect récurrent des droits fondamentaux, entraves ou freins multiples à l’accès et à l’exercice des droits des étrangers et autres dysfonctionnements.
Invisibles parmi l’invisible, les aérogares sont les lieux les plus insaisissables en matière de procédure et de respect des droits pour les personnes qui font l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire (français ou espace Schengen) et d’un maintien en zone d’attente.
Depuis plusieurs années, l’Anafé se rend fréquemment dans les aérogares de la zone de l’aéroport de Roissy et a décidé en 2015 d'y réaliser une campagne de visites d'août à octobre. Pendant cette période, une quinzaine d’intervenants de l’association ont effectué douze visites des aérogares A, C, D, E et F du terminal 2 et trois visites du terminal 1. L’objectif de ces visites répétées était d’avoir une vision à la fois globale et aussi précise que possible de la situation des étrangers maintenus dans les postes de police de l’aéroport Roissy-CDG.
Au cours de ces visites, les intervenants de l’Anafé, accompagnés d’un ou plusieurs officiers de la police aux frontières (PAF) de l’aéroport, ont pu s’entretenir avec des personnes maintenues en aérogares mais surtout avec des policiers de grades différents sur certains aspects de la procédure et des pratiques mises en œuvre. Ces échanges se sont révélés très variés, tant sur le fond (des réponses différentes à des questions identiques) que sur la forme (échanges plus ou moins fructueux et fluides selon les interlocuteurs).
Tirant des conclusions de cette campagne, constatant par ailleurs que la situation ne s'est globalement pas améliorée au fil des années, l'Anafé formule dix recommandations qu’elle adresse aux autorités compétentes afin que cessent les violations des droits fondamentaux aux frontières.
Disponibles en ligne : Rapport « Dans les coulisses de Roissy : l’enfermement des étrangers en aérogare »
Voir sur le site : http://www.anafe.org/spip.php?article322
Retenus en grève de la faim au CRA de Rennes
Suite à la tentative de suicide d'un retenu malade et à la fausse-couche d'une jeune femme roumaine en rétention, les retenus du CRA de Rennes St Jacques refusent de s'alimenter depuis ce matin.
Ils ont cosigné le texte suivant pour expliquer les raisons pour lesquelles ils ont entamé une grève de la faim :
Gr--ve-faim-retenus-24-02-15.pdf
CHALEUR SUR LA RÉTENTION : LE GOUVERNEMENT FAIT TOURNER LA MACHINE À EXPULSER À PLEIN RÉGIME
Le rapport 2014 sur les centres et locaux de rétention administrative co-publié le 30 juin par La Cimade dénonce une escalade de l’enfermement des étrangers, des expulsions abusives et une politique répressive largement menée au détriment des droits et pour faire du chiffre.
Le document démontre l’urgente nécessité d’un changement de cap, mais le gouvernement enfonce le clou, et 2015 s’annonce pire encore que 2014. Les enfermements et les violations des droits les plus graves se multiplient quotidiennement.
Ces deux dernières semaines, plusieurs familles ont été enfermées, notamment au Mesnil-Amelot et à Toulouse avec deux nourrissons et des enfants en bas-âge. Derrière les barreaux pendant plusieurs jours, ces familles ont subi l’acharnement des préfectures qui ont mené des procédures contentieuses pour éviter leur mise en liberté ou tenté de les embarquer à l’aéroport. L’une d’entre elles a été expulsée depuis l’aéroport du Bourget, à bord d’un vol spécialement affrété pour l’occasion.
À Mayotte, c’est par milliers que les mineurs sont enfermés et expulsés de force, loin de la justice. La manœuvre est industrielle et si expéditive que ces enfants sont souvent renvoyés illégalement avec des adultes qui ne sont par leurs parents. Parfois ces derniers se sont pourtant présentés à la préfecture avec des preuves de la filiation en main. Des personnes ayant demandé une carte de séjour subissent le même sort.
Sous l’impulsion du ministre de l’intérieur, qui vient d’inciter les préfets à remplir encore davantage les centres de rétention d’une France déjà championne d’Europe de l’enfermement des étrangers, ce sont toujours plus d’hommes, de femmes et d’enfants qui subissent cette violence aveugle et cet acharnement.
Les exilés de Calais, après des périples particulièrement dangereux depuis l’Érythrée, le Soudan ou l’Afghanistan sont encore enfermés au lieu d’être protégés. Ils arrivent en rétention par vagues de quelques dizaines, escortés vers Lille, Rennes ou le Mesnil-Amelot. Beaucoup sont libérés par les juges judiciaires et administratifs, ou par la Cour européenne des droits de l’homme parce que la France les expose à un traitement inhumain et dégradant. Au lieu d’en tirer les leçons, l’administration invente de nouvelles techniques pour contourner la justice. Elle édicte des décisions d’expulsion sans définir de pays de renvoi, ce qui est contraire à la loi, parce qu’elle sait que ce sont des destinations dangereuses. Elle rend impossible un accès effectif aux droits, en transférant les personnes d’un CRA à l’autre ce qui ampute le délai pour saisir le juge. La France n’hésite pas à réserver des vols pour le Soudan, l’Afghanistan ou l’Érythrée malgré la situation de conflit généralisé et de chaos de ces pays.
Pour quelques expulsions de plus, des vies sont mises en danger. Comme celles de ces personnes si gravement malades que les médecins estiment leur enfermement ou leur expulsion impossible. Avis médicaux que l'administration outrepasse de plus en plus souvent avec l’aval du ministère de l’intérieur. Une administration qui va jusqu’à inventer le régime de « la rétention à l’hôpital ».
Pour quelques expulsions de plus, des familles sont détruites, des vies sont brisées. Comme ceux de ces deux jeunes majeurs, arrivés en France avant l’âge de 13 ans, que quelques écarts de conduite ont voué au bannissement administratif vers des pays où ils n’ont pas grandi, dans lesquels ils n’ont ni contact, ni repère.
Le ministère de l’intérieur a été saisi par notre association à l’occasion de chacune de ces situations aberrantes, mais il a approuvé l’intégralité de ces pratiques, illégales pour la plupart.
La Cimade appelle à la cessation immédiate de toutes ces pratiques illégales et, à terme, à la fermeture des centres de rétention. Une autre politique à l’égard des étrangers est possible. Elle doit être mise en œuvre maintenant, par l’amendement du projet de loi du gouvernement qui arrive dans les jours à venir en discussion à l’Assemblée nationale. En l’état ce projet aggraverait les privations de liberté et les atteintes aux droits que La Cimade constate.