Le constat est forcément désabusé. Le collectif Romeurope présentait ce mercredi son rapport politique 2012-2013. Bilan : «Malgré le changement de gouvernement, force est de constater avec consternation que la situation des personnes vivant en squats et bidonvilles s’est dégradée.» L’état des lieux, martelé à intervalles réguliers par les associations et les services spécialisés de l’Etat, est connu : la circulaire du 26 août 2012, censée permettre l’intégration des quelque 17 000 habitants des bidonvilles - majoritairement Roms -, n’est pas suffisamment appliquée.

«Les Roms sont assignés à cette identité et sont vus comme ingérables, voire comme responsables de l’habitat insalubre», souligne Claire Sabah, du Secours catholique. Les associations, déplorant une politique«inefficace, inhumaine et coûteuse», persistent : seul le recours aux dispositifs de droit commun, pour le logement, la santé, et l’éducation, serait pertinent. Mais elles ne rêvent pas. «A deux semaines des élections municipales, la parole se libère, le climat est de plus en plus nauséabond», juge Claire Sabah. Boucs émissaires de premier ordre, les Roms sont souvent dans le collimateur des candidats. A l’image de Paul-Marie Coûteaux, candidat du Front national dans la capitale, qui suggérait récemment sur son blog de les «concentrer (...) dans des camps», qualifiant leur présence dans le chic VIe arrondissement d'«invasion» ou de «lèpre».

 
 

Un dérapage qui n’est malheureusement pas le premier. Dans son rapport, Romeurope pointe la «continuité» d’un discours «stigmatisant de droite à gauche»«Depuis le discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble [en 2010], la stigmatisation de cette population est perçue comme un impératif par des responsables politiques français dans le cadre de leurs campagnes électorales». Le collectif a établi un pot bien pourri de ces déclarations en 2013. Inventaire.

«Quand les Roms s’installent quelque part, c’est avéré, après on a une recrudescence des cambriolages.»

Samia Ghali, sénatrice PS et maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille, le 9 avril 2013. Elle est candidate à sa réélection.

«Mais c’est 2 000 de trop ! [A propos des 2 000 Roms de l'agglomération marseillaise, ndlr] Même si c’était dix, c’est encore trop (...). Ces gens bien entendu vivent de rapine et de vol… Pas de l’air du temps !»

Guy Teissier, maire UMP des 9e et 10e arrondissements de Marseille, le 1er juin 2013. Il est candidat à sa réelection.

«Bientôt à Marseille #Capelette pour la même action»

Tweet de Didier Réault, conseiller municipal UMP à Marseille, en réponse à un article d’Europe 1 annonçant le 1er juin 2013 que trois cocktails Molotov avaient été jetés dans la nuit contre des caravanes occupées par des Roms à Hellemmes (Nord). Il est de nouveau candidat sur la liste de Guy Teissier.

«Les Roms n’ont rien à faire à Croix. Oui, s’il y a un dérapage, j’apporterai mon soutien. La population en a assez.»

Le maire UMP de Croix, Régis Cauche, annonçant qu’il soutiendrait ses administréss’ils s’en prenaient aux Roms, le 16 septembre 2013. Il est candidat à sa réélection.

«Les Roms harcèlent beaucoup les Parisiens.»

Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP à la mairie de Paris, le 18 septembre 2013 sur i-Télé.

«De nombreux Roms sont venus prendre possession de la ville de Paris. (..) Ils sont là, harcelant les Parisiens ou les touristes, volant, pillant, quémandant.»

Post sur son blog de Bernard Debré, député UMP de Paris, le 19 septembre 2013.

«Lorsqu’on installe des Roms, il y a le crime, il y a la drogue, il y a la prostitution.»

Daniel Boisserie, député maire PS de Saint-Yrieix-la-Perche (Haute Vienne) sur France 3 Limousin le 25 septembre 2013. Il est candidat à sa réelection.

«Ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait appelé trop tôt les secours.»

Lors d’un conseil de quartier le 12 novembre 2013, le maire UMP de la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var), Luc Joussea dit regretter que les pompiers aient été appelés «trop tôt pour éteindre un incendie qui s’était déclaré dans un camp Rom». Jousse brigue un nouveau mandat, soutenu par l'UMP et l'UDI. Le président du parti de droite, Jean-François Copé, était pourtant favorable à son exclusion.

« Je ne les mets pas sur le même plan, mais la nuisance est peut-être pire avec les Roms.»

Jacques Domergue, candidat UMP aux élections municipales à Montpellier, comparant le 16 décembre 2013 les «nuisances» que génèrerait l’implantation d’un village d’insertion des Roms à celles provoquées par l’usine de méthanisation des déchets Amétyst.

Rapport 2012-2013 du CNDH Romeurope